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30 août 2018 4 30 /08 /août /2018 21:20

Le 29 août 2018, le comité national de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) s'est réuni à Paris, en présence de Jef Bossuyt (association d'amitié Belgique-Corée). Cette réunion s'est tenue alors que le contexte international autour de la péninsule coréenne est marqué par une divergence entre les politiques américaine (caractérisée par un raidissement de l'administration Trump, le président américain ayant tout dernièrement décidé d'annuler la quatrième visite à Pyongyang du secrétaire d'Etat Mike Pompeo) et sud-coréenne – la reprise des échanges Nord-Sud étant marquée par la reprise des réunions de familles séparées, l'annonce d'un nouveau sommet inter-coréen à Pyongyang (d'ici fin septembre 2018) et l'organisation d'événements conjoints dans les domaines culturel et sportif. Pour sa part, le comité national de l'AAFC a mis l'accent sur les perspectives de coopération franco-coréenne, à la veille du déplacement en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) d'une délégation de l'AAFC, du 4 au 13 septembre 2018, dans le contexte de la commémoration du 70e anniversaire de la fondation de la RPD de Corée, le 9 septembre 1948.

Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes
Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes
Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes

En ouverture des travaux du comité national, Benoît Quennedey, président de l'AAFC, a rappelé les activités récentes de l'AAFC  : l'accent a été mis sur la signature d'un traité de paix dans la péninsule coréenne et la nécessaire instauration d'un régime de sécurité collective qui prévienne l'escalade mortifère des tensions et des sanctions - en particulier lors de la conférence-débat du 17 juillet 2018, co-organisée avec le Forum coréen international, et le débat ayant suivi la projection du film JSA le 16 juillet 2018 à la Filmothèque du Quartier Latin, à Paris. Le succès de cette dernière initiative ouvre la perspective d'organiser plus régulièrement des projections de films coréens. Alors qu'au cours de la dernière année l'AAFC a été sollicitée à plusieurs dizaines de reprises dans différents médias (France 24, RT France, CNews, Le Huffington Post...), l'intérêt pour l'AAFC, seule association active en France promouvant les actions de coopération concrètes avec l'ensemble de la Corée, se manifeste dans la progression continue de son nombre de membres  : sur huit mois, fin août 2018, le nombre annuel d'adhérents à jour de cotisation atteint 94 % du total réalisé sur l'ensemble de l'année 2017.

Le président du comité Bretagne de l'AAFC, Djimadoum Ley-Ngardigal, a mentionné la participation de membres du comité régional aux récents matchs de la coupe du monde féminine U20 en Bretagne, où les Nord-Coréennes, championnes du monde sortantes, ont été éliminées par les Françaises, ainsi qu'à la projection en avant-première du film JSA à Rennes. De fait, l'équipe française de promotion du film a sollicité l'AAFC et pu compter sur le relais de ses adhérents et sympathisants, en Ile-de-France et en région, pour faire connaître une oeuvre sud-coréenne majeure, tardivement sortie en salles en France (18 ans après sa sortie en Corée...), mais qui rend toujours compte avec acuité de la question de la division de la péninsule.

Egalement membre du bureau du Comité espéranto de l'AAFC, Nathalie Kesler a mentionné que, après la visite en Corée du Nord et à Dandong (à la frontière sino-coréenne) d'une délégation du comité thématique de l'AAFC en avril 2017, les échanges sino-coréens avaient repris dans le domaine de l'espéranto, à l'initiative des espérantistes du club chinois de Dandong et de guides nord-coréens espérantistes.

Au nom de l'Association d'amitié Belgique-Corée, Jef Bossuyt a présenté les résultats des déplacements de délégations de l'association dans le nord et le sud de la péninsule en 2018. Un voyage pour la paix, ouvert aux adhérents intéressés de l'AAFC, sera organisé en Corée du Sud et en Corée du Nord en mai 2019, un festival de la paix étant prévu à Séoul le 1er mai 2019.

Comme la réunion du Comité national coïncidait avec le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, les participants ont ensuite eu l'honneur de recevoir M. Jong Chang-gwon, conseiller à la délégation générale de la RPD de Corée en France, qui a engagé une discussion avec les présents et pris note de demandes spécifiques pour des coopérations franco-coréennes, notamment dans le domaine culturel.

Secrétaire général de l'AAFC, Patrick Kuentzmann a rappelé que la Corée, contrairement à la France, a été placée à la libération sous un régime d'administration militaire directe au sud de la péninsule, où les anciens collaborateurs des Japonais ont gardé la haute main sur l'administration et l'économie. Figure éminente de la résistance à l'occupation japonaise, le Président Kim Il-sung a initié avec toutes les composantes de la résistance, un processus ayant conduit à la fondation de la RPD de Corée à Pyongyang, proclamée par des délégués originaires de l'ensemble de la péninsule coréenne, après les élections séparées s'étant tenues dans la seule moitié sud de la Corée en mai 1948.

S'exprimant au nom des associations d'amitié belge, haïtienne, néerlandaise et irlandaise, Jef Bossuyt a salué l'exemple donné par le peuple coréen, après la Seconde guerre mondiale, pour les autres peuples du monde en lutte pour leur libération et leur émancipation. Il a ainsi souligné que la création de la RPD de Corée a constitué une étape marquante dans les luttes pour l'indépendance des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

Clôturant les interventions, M. Jong Chang-gwon a remercié les participants à cette réunion de fait internationale organisée à l'occasion de l'anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée. Il a souligné que l'histoire de la RPD de Corée se confondait avec celle du peuple coréen pour la dignité et la souveraineté  depuis les combats de la guérilla anti-japonaise menés par le Président Kim Il-sung et jusqu'à l'époque actuelle, sous la conduite du Président Kim Jong-un. En ce qui concerne la situation extrêmement complexe de la péninsule coréenne en 1945, il a rappelé que le débarquement des troupes américaines était postérieur à la capitulation japonaise, et que celles-ci avaient ensuite favoris la division de la Corée, dont la réunification reste ainsi toujours une des tâches prioritaires du peuple coréen.

Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes
Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes
Comité national de l'AAFC  : cap sur la paix et un nouvel essor des coopérations franco-coréennes

Annexe : allocution de Patrick Kuentzmann, secrétaire général de l'AAFC

 

Monsieur l'Ambassadeur,

Chers amis coréens,

Chers membres de l'Association d'amitié franco-coréenne,

Nous sommes réunis pour célébrer le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée, le 9 septembre 1948.

Un regard extérieur pourrait s'étonner qu'une association française accorde tant d'importance à la fête nationale d'un pays que les gros médias de masse s'attachent si souvent à décrier, par paresse, par facilité ou par volonté de nuire, parfois tout en même temps. Mais ce bruit médiatique ne peut impressionner que les gens de peu de culture et de mémoire.

Or, les membres de l'Association d'amitié franco-coréenne ont une culture et une mémoire historiques qui leur commandent de célébrer dignement l'anniversaire de la République populaire démocratique de Corée.

Nous nous souvenons en effet du contexte dans lequel a été divisée la Corée en 1945 et de la nature du régime mis en place en Corée du Sud entre 1945 et 1948, au lendemain de la libération de la colonisation japonaise. Et nous n'ignorons pas non plus la voie suivie jusqu'à aujourd'hui par la République populaire démocratique de Corée pour la défense de la paix en Corée, en Asie et dans le monde.

Débarquant en Corée du Sud le 8 septembre 1945, soit trois semaines après la capitulation japonaise, les troupes américaines y établirent un régime d'occupation militaire : l'United States Armed Military Governement in Korea (USAMGIK). Il convient de noter - et cela rapproche un peu plus Français et Coréens attachés à l'indépendance de leur pays - que les Etats-Unis envisageaient un tel régime pour la France au lendemain de la libération, l'Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT). Il fallu tout le poids du général De Gaulle pour épargner ce traitement à la France. Il manqua malheureusement un De Gaulle à la Corée du Sud.

En Corée du Sud, le gouvernement militaire américain s'appuya sur les anciens collaborateurs avec l'occupant japonais, lesquels se virent confier de hautes fonctions dans la nouvelle administration. En même temps, en Corée du Nord, les comités populaires, créés spontanément dans toute la Corée dès la libération, étaient issus des rangs de la résistance contre la colonisation japonaise. Présente en Corée du Nord, l'Union soviétique laissa l'administration à ces comités.

Un accord signé à Moscou en décembre 1945 par l'URSS et les Etats-Unis prévoyait un régime d'administration de la Corée pendant une durée maximum de cinq ans, des garanties d'indépendance de la Corée et l'établissement d'un gouvernement provisoire. Mais, alors que les Soviétiques insistaient sur la mise en place d'un gouvernement coréen indépendant, les Américains voulaient maintenir une administration internationale de la Corée par quatre pays (Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne et République de Chine),

L'homme mis à la tête de la Corée du Sud par les Américains, Syngman Rhee, mit donc l'accent sur l'administration de la Corée par les puissances étrangères, et appela à la formation d'un gouvernement dans la seule Corée du Sud, décision qui divisa la droite nationaliste coréenne car elle entérinerait la partition de la péninsule coréenne.

Dans le même temps, les partis de gauche demandaient des réformes économiques en Corée du Sud, s'inspirant de l'exemple du Nord : en mars 1946, réforme agraire redistribuant les terres à 70 % des paysans ; en juin 1946, abaissement de la durée quotidienne de travail à huit heures ; en juillet 1946, loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes ; nationalisation de 90 % des entreprises... Face à ces revendications, une répression féroce se mit en place en Corée du Sud.

Quant à la question d'une Corée unie et indépendante, elle était désormais dans les mains de l'Organisation des Nations unies, alors dominée par les pays d'Europe occidentale et d'Amérique latine favorables aux Etats-Unis. En 1948, ces Nations unies décidèrent l'organisation d'élections séparées dans la seule moitié Sud.

La contestation la plus vive eut lieu dans l'île de Jeju en avril 1948 : les manifestants s'opposèrent aux élections séparées et demandèrent le départ des troupes américaines. La répression causa 80.000 morts.

L'assemblée sud-coréenne, élue le 10 mai 1948 à l'issue d'un scrutin boycotté par la majorité des partis et s'étant tenu dans la seule partie du Sud (à l'exception de Jeju), porta Syngman Rhee à la présidence de la République. La République de Corée était née.

Opposés à ce processus de division de la péninsule coréenne, des nationalistes de droite, au premier rang desquels Kim Ku, abandonnèrent Syngman Rhee, en exigeant des élections dans toute la Corée. En avril 1948, les opposants à la tenue d'élections séparées au Sud, dont les nationalistes Kim Ku et Kim Kyu-sik, se réunirent à Pyongyang, à l'invitation du dirigeant du Comité populaire de Corée du Nord Kim Il-sung. Leur programme commun comportait le départ des troupes américaines et soviétiques, l'établissement d'un gouvernement provisoire et d'une assemblée pour toute la Corée, ainsi que l'invalidation des élections prévues en Corée du Sud.

A propos de cette grande union nationale, transcendant les différences idéologiques, le Président Kim Il-sung écrira dans ses mémoires :

« Il est possible de s’unir avec toutes les couches sociales en mettant au premier plan la grande cause de la libération nationale. Voilà mon attitude en la matière. C’est en partant de cette position, après la Libération, que nous avons collaboré avec M. Kim Ku qui avait lutté jusque-là, toute sa vie, contre le communisme et qu’aujourd’hui nous en appelons à la raison de tous les Coréens pour réaliser l’union nationale. L’union nationale mènera à l’isolement des forces étrangères et des traîtres à la patrie. »

Prenant acte de l'établissement d'un gouvernement séparé en Corée du Sud, les dirigeants du Nord organisèrent des élections le 25 août 1948, en secret dans la partie Sud. L'Assemblée populaire suprême ainsi élue proclama la République populaire démocratique de Corée le 9 septembre 1948.

A la fin de l'année 1948, Kim Ku appela à nouveau au retrait des troupes américaines et soviétiques, ainsi qu'à la reprise des discussions Nord-Sud. En mars 1949, des députés sud-coréens demandèrent encore à l'ONU le départ des troupes étrangères. Syngman Rhee répondit en instaurant la loi de sécurité nationale, toujours en vigueur en Corée du Sud, et interdisant tout contact avec le Nord. Dans la vague d'exécutions et d'arrestations qui suivit, Kim Ku, alors âgé de 72 ans, ancien président du gouvernement provisoire de la République de Corée pendant l'occupation japonaise, fut lui-même assassiné en juin 1949 par la police secrère sud-coréenne.

La division de la Corée, contre la volonté des Coréens et par le jeu des grandes puissances, portait en germe le conflit fratricide à venir, et qui perdure aujourd'hui faute d'un véritable traité de paix en Corée. Nous devons donc être reconnaissants à la Corée du Nord d'avoir été, dès avant sa constitution en tant qu'Etat, à la pointe du combat contre la division et donc pour la paix.

Une chanson nord-coréenne dit : « Nous aimons la paix mais nous ne mendierons pas pour l'avoir ».

Cela fait écho à ce qu'écrivait Paul Vaillant-Couturier en 1936 dans son rapport au comité central du Parti communiste français pour la convocation des « Etats généraux de l’intelligence française » : « L’intelligence défend la paix. L’intelligence a horreur de la guerre, parce qu’elle est la destruction des valeurs, en même temps que des choses. » Et, plus loin, il ajoutait : «  Tout désarmement unilatéral serait une duperie. » 

Félicitons la République populaire démocratique de Corée à l'occasion de son 70e anniversaire, et félicitons nous d'être les amis d'un des peuples parmi les plus intelligents du monde !

 

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23 août 2018 4 23 /08 /août /2018 22:40

En septembre 2018, Pyongyang organisera sa onzième foire internationale du livre scientifique et technique. Comme l'an passé pour la dixième édition de cette foire, Olivier Bouchard, membre du bureau national de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a réuni de la documentation technique - consistant en plusieurs dizaines d'ouvrages en français et en anglais, sous format électronique, qui seront remis cette année par la délégation de l'AAFC qui visitera la péninsule coréenne du 4 au 13 septembre 2018, à l'occasion du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), le 9 septembre 1948.

Formulaire de candidature à la Foire internationale du livre scientifique et technique de Pyongyang

Formulaire de candidature à la Foire internationale du livre scientifique et technique de Pyongyang

A plusieurs reprises, l'AAFC a fait des dons de livres aux étudiants, aux professeurs et auc chercheurs de la RPD de Corée : en 2012, ce sont plus de 500 ouvrages qui avaient été offerts par l'association. Ces actions répondent à une double priorité pour l'AAFC au titre de ses actions de coopération : soutenir la francophonie, favoriser la coopération technique.

Pour l'édition 2018 de la foire internationale du livre scientifique et technique de Pyongyang, l'accent a été porté sur de la documentation promouvant l'agriculture, notamment l'agriculture biologique, en incluant des publications de pays d'Afrique francophone. En effet, alors que les populations nord-coréennes sont toujours soumises à un aléa climatique pour un retour du pays à l'autosuffisance alimentaire, la diversification des productions et des techniques apparaît primordiale pour relever le défi alimentaire.

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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 20:57

Du 20 au 22 août 2018 puis du 24 au 26 août, des centaines de membres de familles coréennes séparées de part et d'autre du trente-huitième parallèle se retrouvent dans les monts Kumgang, au nord de la péninsule. La déclaration de Panmunjom, signée lors du sommet inter-coréen du 27 avril 2018 entre les présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in, avait prévu ces nouvelles rencontres - riches en émotions - entre des parents et des enfants, des frères et des sœurs, ou entre des cousins sans aucune possibilité de communiquer ou d'échanger entre eux depuis plus de 65 ans. Les autorités sud-coréennes envisagent la possibilité d'organiser ces rencontres sur une base régulière, alors que beaucoup des personnes qui s'étaient inscrites pour revoir une dernière fois leurs proches sont hélas aujourd'hui décédées. Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a été invité aux journaux télévisés de France 24, le 20 août 2018, pour évoquer ces réunions, sur la chaîne francophone (à 20h) puis sur la chaîne anglophone (20h30). Nous rendons compte ci-après de son entretien sur le canal francophone de la chaîne internationale.

Lee Keum-som (Sud, 92 ans) retrouve son fils Ri Sang-chol (Nord, 71 ans)

Lee Keum-som (Sud, 92 ans) retrouve son fils Ri Sang-chol (Nord, 71 ans)

Le journaliste Mathieu Cavada (MC) commence l'entretien en demandant si cette séparation des familles est un traumatisme profond.

Benoît Quennedey (BQ) : C’est la 20e rencontre depuis le début des années 2000 et la première depuis octobre 2015. Pendant près de sept décennies ces familles ont été complètement séparées, aucun moyen de communication n’étant possible entre leurs membres

MC : Combien de personnes sont séparées ?

BQ : Au sud on comptait plus de 100 000 personnes concernées par la séparation ayant demandé à revoir un membre direct de leur famille dans le cadre des réunions de familles séparées, mais si l'on inclut toutes les familles ayant un proche direct de l'autre côté de la zone démilitarisée (parents/enfants, frères/sœurs) cela représente au bas mot des millions de personnes, sans parler évidemment des relations amicales ou des voisins. L’absence totale de communications amène à des surprises, ainsi une femme pasteur sud-coréenne vivant en France a découvert que sa sœur, vivant au Nord, était l'équivalent chez nous d’Edith Piaf.

MC : Il n’y a pas beaucoup d’intimité dans ces retrouvailles, tout se passe devant des caméras.

BQ : Il y a aussi, pendants ces retrouvailles de deux fois trois jours, des moments de rencontre dans des salons ou des chambres d'hôtel de façon plus intime et sans la présence des caméras. Auparavant il s'agissait plutôt de rencontres entre frères et sœurs et entre parents et enfants, maintenant c'est souvent entre cousins. Bien sûr que c’est un choc de se retrouver ainsi et cela même peut être douloureux. Il faut aussi éviter d’aborder des sujets polémiques tels que la politique.

MC : Est-ce qu’ils reconnaissent leurs proches ?

BQ : La presse rapporte le cas d’une mère de 92 ans séparée de son enfant qui avait 5 ans… En plus de cette difficulté il y a les distances physiques, ou encore vestimentaires, créées par la division du pays. Par contre les mots restent les mêmes avec quelques anglicismes au Sud et russismes au Nord, nonobstant le sentiment d’avoir conservé la pureté de la langue au Nord.

MC : Cette rencontre n’est-elle pas pour Kim Jong-un un moyen de faire diversion alors que la dénucléarisation n’avance pas ?

BQ : Le processus de dénucléarisation est un processus de longue durée, où tant les Etats-Unis que la Corée du Nord attendent des gestes de l'autre partie. Ces rencontres entre familles séparées marquent déjà la force du rapprochement en cours Nord-Sud et sont vécues par les deux parties divisées de la Corée comme un processus d'abord humanitaire.

 

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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 21:09

A l'issue d'une rencontre entre délégations nord et sud-coréennes de haut niveau le 13 août 2018 dans la zone démilitarisée, les deux parties ont convenu - dans un communiqué de presse conjoint - de l'organisation d'un troisième sommet inter-coréen à Pyongyang (après ceux de juin 2000 et d'octobre 2007) d'ici fin septembre 2018 - à une date plus précise restant donc à confirmer publiquement. Après les deux rencontres au sommet entre les Présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in les 27 avril et 26 mai 2018, il s'agit de la mise en oeuvre d'un des engagements pris dans le cadre de la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018 (laquelle ne parlait toutefois d'une visite du président sud-coréen à Pyongyang qu' "à l'automne", sans davantage de précisions), témoignant de la reprise concrète des échanges Nord-Sud - qui s'est d'ores et déjà concrétisée par la participation commune à des événements sportifs et culturels (dans les prochains jours, les athlètes des deux parties de la Corée défileront ensemble aux Jeux asiatiques et formeront des équipes communes dans plusieurs disciplines) et la reprise attendue, fin août, des réunions de familles séparées de part et d'autre du trente-huitième parallèle. 

Poignée de mains entre les chefs des deux délégations : pour le Nord (à gauche), Ri Son-gwon, Président du Comité pour la réunification pacifique du pays ; pour le Sud (à droite), Cho Myoung-gyon, ministre de la Réunification

Poignée de mains entre les chefs des deux délégations : pour le Nord (à gauche), Ri Son-gwon, Président du Comité pour la réunification pacifique du pays ; pour le Sud (à droite), Cho Myoung-gyon, ministre de la Réunification

Est-ce le début d'un processus d'institutionnalisation de rencontres au sommet régulières entre le Nord et le Sud ? Le Président Moon Jae-in en avait émis le souhait, et de fait - alors qu'il n'est encore qu'au début de son mandat présidentiel de cinq ans, commencé il y a quinze mois - il aura rencontré plus souvent le dirigeant suprême nord-coréen, le Président Kim Jong-un (trois fois en six mois) que tous ses prédécesseurs, sur une durée pourtant beaucoup plus longue (deux rencontres en près de 70 ans). En relations internationales, des réunions régulières (comme les sommets du G7/G8) permettent en effet d'aborder au plus haut niveau des sujets d'intérêt commun, d'arrêter des priorités et de prendre des décisions communes.

Le troisième sommet inter-coréen à Pyongyang devrait ainsi être d'abord l'occasion de préciser la feuille de route des échanges inter-coréens, telle que définie lors de la déclaration de Panmunjom le 27 avril 2018. La partie Nord a manifesté des attentes face à ce qu'elle perçoit comme des atermoiements du Sud - en particulier dans le domaine économique, où la reprise des échanges - notamment le redémarrage de la zone économique de Kaesong - est entravée par les sanctions internationales prises à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée. En effet, si les autorités sud-coréennes ont envisagé la possibilité d'une levée partielle des sanctions, elles s'en tiennent à une position solidaire de celle de Washington, qui affirme qu'il n'y aura de levée des sanctions qu'à l'issue du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord. Pour leur part, les autorités nord-coréennes ont dénoncé les "méthodes de gangster" des Américains, en estimant que leurs gestes de bonne volonté dans le domaine nucléaire et balistique (y compris le rapatriement de restes de soldats américains morts en Corée) n'ont pas été payés de retour. Selon Pyongyang, les Etats-Unis doivent à leur tour préciser les garanties de sécurité qu'ils entendent apporter et s'engager dans une levée au moins partielle des sanctions - les plus sévères jamais mises en place dans le cadre des Nations unies. Pour cela, eu égard notamment à la proximité entre les services secrets sud-coréens et américains (qui sont des canaux privilégiés du dialogue autour de la péninsule coréenne), la Corée du Sud pourrait transmettre des messages aux Américains pour faire réussir le processus engagé lors du sommet de Singapour entre les Présidents Donald Trump et Kim Jong-un.

Dans ce contexte, et en attendant que soit précisé le contenu des discussions inter-coréennes qui seront à l'ordre du jour du sommet de septembre 2018, le troisième sommet Nord-Sud à Pyongyang apparaît comme l'une des étapes dans les multiples rencontres diplomatiques entre les acteurs principaux dans la péninsule coréenne (les deux Etats coréens, les Etats-Unis, la Chine et la Russie). 

Ces différents points ont par ailleurs été abordés par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne, à l'antenne de RT France, dans le journal télévisé de 21h du 13 août 2018.

Source principale : Yonhap

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18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 13:29

Le 17 juillet 2018, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) et le Forum coréen international ont co-organisé une conférence-débat à Paris à la veille du 65e anniversaire de la signature de l'accord d'armistice de 1953 qui a mis fin aux combats de la guerre de Corée (mais pas à la guerre elle-même). dans un contexte nouveau marqué notamment par les sommets intercoréens des 27 avril et 26 mai 2018 à Panmunjom et le sommet Etats-Unis-Corée du Nord du 12 juin 2018 à Singapour. Trois mois et demi après la conférence organisée à la Bourse du travail de Paris, le 29 mars 2018, entre l'AAFC,  l'association Droit Solidarité (membre de l'Association internationale des juristes démocrates), le Mouvement de la Paix et l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC), l'urgence est de favoriser la paix, la dénucléarisation et un système de sécurité collective en Corée.

Stephen Cho, animateur du Forum coréen international, et Benoît Quennedey, président de l'AAFC

Stephen Cho, animateur du Forum coréen international, et Benoît Quennedey, président de l'AAFC

En ouverture de la conférence, Benoît Quennedey, président de l'AAFC, a rappelé que cette manifestation s'inscrivait dans les activités traditionnelles de l'Association à l'occasion du mois de solidarité avec le peuple coréen, entre le 25 juin (date du déclenchement de la guerre de Corée en 1950) et le 27 juillet (date de la signature de l'accord d'armistice en 1953). Puis il a donné la parole à Stephen Cho, animateur du Forum coréen international.

Stephen Cho a établi le lien entre l'histoire récente de la péninsule coréenne et les développements récents de l'actualité. Il a rendu hommage à Roland Weyl, qui était assis au premier rang des participants, sur la nécessité de faire respecter le droit international, bafoué lors de la guerre de Corée qui a été une opération de police diligentée par les Etats-Unis, et d'établir un système de paix plus qu'un traité de paix lui-même - le conflit en Corée n'ayant pas été formellement une guerre. Les termes "régime de paix" figurent d'ailleurs explicitement dans la déclaration signée à Singapour le 12 juin 2018 entre les présidents Donald Trump et Kim jong-un.

Il a souligné que le conflit militaire entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) s'était déplacé sur le terrain diplomatique, en observant que les conditions de ce changement avaient été préparées dès la fin de l'année 2017 par des échanges directs entre Américains et Nord-Coréens. La situation actuelle présente de nombreux points communs avec de précédents cycles de tensions et de négociations, notamment la période 1993-1994, avec cette différence majeure qu'en 2017-2018 le gouvernement sud-coréen du démocrate Moon Jae-in avait joué un rôle de relai et de facilitateur. Cependant, si les Nord-Coréens ont multiplié les gestes de bonne volonté (depuis la destruction du site d'essais nucléaires de Punggye-ri jusqu'à la suspension de leurs tirs de missiles balistiques et d'essais nucléaires), les Américains ont été beaucoup plus réticents à s'engager - n'ayant concédé, et tardivement, que la suspension de leurs manoeuvres militaires au large de la Corée, tandis que les "faucon" (John Bolton en tête) s'agitent pour faire échouer le processus de dialogue en rajoutant de nouvelles exigences. C'est pourquoi les autorités nord-coréennes ont pu dénoncer les "méthodes de gangster" de Washington lors de la dernière visite à Pyongyang de Mike Pompeo, après le sommet de Singapour, faute d'engagement concret des Etats-Unis quant aux garanties de sécurité qu'ils apporteraient à Pyongyang en contrepartie de sa dénucléarisation.


Dans ce contexte, Stephen Cho a souligné le rôle dévolu aux militants progressistes sud-coréens, et plus largement aux forces progressistes concernant la situation en Corée : garantir la souveraineté du peuple coréen, qui passe par le retrait des bases américaines de Corée, lutter contre le capitalisme prévaricateur des conglomérats (les chaebols), et poursuivre la lutte pour les libertés démocratiques et les droits sociaux - les mesures réformistes accordées par le gouvernement sud-coréen étant le fruit des luttes de tout le peuple coréen (y compris les capitalistes nationaux) pour contenir la force du mouvement progressiste, qui constitue une force révolutionnaire.

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17 juillet 2018 2 17 /07 /juillet /2018 12:39

Le 16 juillet 2018, la Filmothèque du Quartier Latin - qui avait déjà proposé en novembre 2008 une des plus importantes rétrospectives du cinéma (sud-)coréen en France - a organisé une projection-débat de JSA de Park Chan-wook, suivie d'un débat animé par Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne. Le premier long métrage qui a véritablement fait connaître Park Chan-wook - sorti en salles en Corée en 2000 - a dû attendre juin 2018 pour être projeté en salle dans notre pays (hormis des projections plus ponctuelles dans le cadre de festivals). Un chef d'oeuvre à découvrir ou à redécouvrir.

"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière

En réalisant JSA - récit d'une improbable fraternisation entre soldats sud et nord-coréens le long de la zone démilitarisée (mais qui se terminera par un affrontement mortel, qui servira de trame au thriller qui caractérise toute la première partie du film) - Park Chan-wook a opéré un tournant dans la représentation des Nord-Coréens dans le cinéma sud-coréen : ayant fait le choix de s'intéresser aux hommes et non aux systèmes politiques, il a humanisé les traits des Nord-Coréens, qui se démarquent (enfin) des brutes épaisses, assommées par l'idéologie, que l'on retrouve dans tant d'autres films sud-coréens de l'époque (ou antérieurs) consacrés aux relations Nord-Sud. Il est vrai également que l'élection du Sud-Coréen Kim Dae-jung à la présidence de la République en Corée du Sud, en 1998, a permis d'engager un rapprochement Nord-Sud qui a desserré l'étau de la censure, héritée de l'époque de la junte militaire. Park Chan-wook reconnaît lui-même qu'il n'aurait pas pu tourner ce film, qui a connu un immense succès en salles en Corée du Sud, dix ans plus tôt.

Les héritages de Quentin Taratino et du film noir américain sont très prégnants dans ce long métrage palpitant, qui brosse avec subtilité les portraits de personnages complexes, loin des héros positifs qui peuplent la création artistique - commune à l'ensemble de la Corée - où l'artiste se doit avant tout d'être pédagogue et éducateur. Non que le film soit exempt d'un message que l'on considèrera comme politique (d'ailleurs, les seuls véritables héros, si l'on veut en trouver, sont un sergent nord-coréen et une Suissesse d'origine coréenne qui découvre qu'elle est la fille d'un général nord-coréen, ce qui est en soi une révolution conceptuelle), mais Park Chan-wook s'est intéressé à la beauté de la fraternisation entre Coréens du Nord et du Sud, dans une ode à la réconciliation et à la réunification qui résonnait fortement, après le premier sommet intercoréen du 15 juin 2000, et qui a - à ce titre - marqué des générations de Sud-Coréens dans leurs représentations des "frères ennemis" du Nord. A cet égard, le réalisme est servi par une série de références historiques exactes.

Le débat qui a suivi la projection a aussi mis en avant d'autres traits originaux du film : une représentation de la femme émancipée sous les traits de l'inspectrice suisse, un message homosexuel peu évident à nos yeux mais qui a soulevé l'intérêt de la critique française en 2018, et plus nettement une critique de l'institution militaire sud-coréenne au moment où la fin annoncée de la criminalisation des objecteurs de conscience en Corée du Sud rappelle que le service militaire reste un instrument privilégié du bourrage de crâne anti-Corée du Nord dans la très conservatrice société sud-coréenne.

"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière
"Joint security area" : un récit de fraternisation par delà la frontière
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7 juillet 2018 6 07 /07 /juillet /2018 21:54

Il y a neuf ans, le 7 juillet 2009, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) créait sa page Facebook. A cette occasion, le 7 juillet 2018, l'AAFC a organisé la 4e rencontre entre ses membres Facebook (après les précédents événements Facebook de 2014, 2015 et 2016), toujours à la brasserie parisienne "Le Twickenham" - à une date qui coïncidait également (car tout est anniversaire en Corée) avec le 46e anniversaire du communiqué conjoint Nord-Sud du 4 juillet 1972 et le 24e anniversaire de la disparition du Président Kim Il-sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée, le 8 juillet 1994. 

L'AAFC a organisé sa quatrième rencontre Facebook

L'augmentation du nombre de membres de la communauté Facebook de l'AAFC suit la courbe ascendante des adhérents de l'association : ils étaient 394 membres sur Facebook fin juin 2015 et 793 trois ans plus tard, le 7 juillet 2018, soit une progression de 101 %. 

Outre la reprise des articles des différents blogs de l'AAFC, ainsi que ceux du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD), la page Facebook de l'AAFC s'est affirmée comme un espace privilégié de débats et d'informations sur la Corée (du Nord comme du Sud), sans attendre les publications sur les blogs de l'AAFC - pour les événements politiques, culturels, sportifs, économiques qui touchent l'ensemble de la péninsule. A ce titre, la communauté Facebook de l'AAFC se distingue nettement des autres communautés francophones sur la Corée - qui se limitent à un groupe particulier de personnes, ou à un type d'événements (en particulier, ceux liés à la K-Pop).

La rencontre Facebook du 7 juillet 2018 a également permis de débattre de l'actualité politique et diplomatique, quatre semaines après le sommet de Singapour du 12 juin 2018, des activités et des projets de l'Association. 

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30 juin 2018 6 30 /06 /juin /2018 08:28

Séparées par des milliers de kilomètres, la République de Cuba et la République populaire démocratique de Corée sont deux nations soumises à des agressions et à des sanctions de la part des États-Unis et de leurs alliés. États en résistance, les deux républiques sont également la cible de campagnes médiatiques de dénigrement à grande échelle depuis plusieurs décennies, rabaissant, pour une grande majorité du public, la connaissance de leurs réalités à des clichés et des stéréotypes véhiculés par leurs adversaires. Soucieux de resituer chacune des deux républiques dans son contexte historique et actuel, le Comité jeunes et étudiants de l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) a organisé une réunion publique « Cuba et la Corée du Nord à l’épreuve de la guerre médiatique » le 26 juin 2018 à Paris, avec pour intervenants :

- pour Cuba, Viktor Dedaj, administrateur du site d’information legrandsoir.info, co-auteur (avec Danielle Bleitrach et Jacques-François Bonaldi) du livre Cuba est une île

- pour la Corée, le colonel Alain Corvez, ancien conseiller du général commandant la Force des Nations unies déployée au Sud-Liban (FINUL) et ancien conseiller en relations internationales aux ministères de la Défense et de l’Intérieur, se revendiquant du gaullisme et par ailleurs membre du comité Valmy.

La réunion, à laquelle ont participé des diplomates et/ou des représentants de la République populaire démocratique de Corée, de la République de Cuba et de la République bolivarienne du Venezuela, a été animée par Loïc Ramirez, président du Comité jeunes et étudiants de l'AAFC. 

Cuba et la Corée du Nord à l'épreuve de la guerre médiatique

En ouverture, Viktor Dedaj a tenu à rappeler le danger qui pèse sur la vie de Julian Assange, retenu depuis six ans à l'ambassade d'Equateur à Londres, et qui fait l'objet d'une violente vindicte américaine.

Il a ensuite souligné que la République de Cuba constituait un excellent exemple de désinformation, situé à l'épicentre des lignes de fracture Est-Ouest et Nord-Sud. Pour comprendre quels pays sont critiqués par les médias dominants, Viktor Dedaj a souligné la nécessité de réfléchir sur le modèle de société adopté dans les différents Etats de la planète :
- un premier cas de figure porte sur les pays dont les modèles est comparable au nôtre, qui ne sont pas critiqués dans la mesure où notre modèle économique et social est présenté comme le meilleur possible ;
- un deuxième cas concerne des pays dont le modèle économique et social est proche de celui des Etats occidentaux, comme le Venezuela - qui a fondamentalement une économie de marché et un système politique multipartite - mais qui ne sont pas pour autant exempts de critiques par les médias, le Venezuela étant ainsi régulièrement qualifié de "dictature" ;

- un troisième cas de figure porte sur les pays dont le modèle de société n'est en rien occidental, mais qui échappent pourtant à la critique systématique : l'Arabie Saoudite, bien qu'étant une dictature théologique de droite, n'est jamais stipendiée comme telle ; la Corée du Sud des généraux relevait aussi de cette catégorie ;
- une quatrième catégorie englobe les pays dont le système économique et social est différent du nôtre, et qui font l'objet de critiques nombreuses et systématiques (Cuba, la République populaire démocratique de Corée - Corée du Nord -, l'Iran...).


Ce rapide tour d'horizon montre qu'un pays n'est pas critiqué suivant son modèle économique et social ; le degré de mise en cause médiatique par la doxa occidentale dépend en réalité de son degré de résistance, que celle-ci soit à bon ou à mauvais escient. Et c'est bien tout le malheur de Cuba : avoir osé défié la superpuissance américaine toute proche, l'île n'étant située qu'à 150 kilomètres des côtes américaines.

Viktor Dedaj a ensuite examiné les axes du processus de désinformation. Celle-ci a comme instrument privilégié les fausses nouvelles, ou faked news, en mobilisant plusieurs moyens :
- le vocabulaire utilisé : dans le cas de Cuba, employer le termes "embargo" plutôt que celui (correspondant pourtant à la réalité, inavouable car relevant de la catégorie du crime contre l'humanité) de "blocus" ; désigner Fidel Castro comme le Leader Maximo, terme qu'on ne trouve nulle part dans les textes officiels cubains... ; 
- le deuxième outil repose sur la décontextualisation : l'agressivité américaine sera tue, le blocus sera présenté comme ayant prétendument été levé ; s'agissant enfin de l'accusation de terrorisme, on oubliera opportunément que 3000 attentats - faisant autant de morts (et, rapporté à la population française, l'équivalent de 20 000 morts) - ont été commis à Cuba ;

- le troisième outil est la fabrication de récits, comme celui d'Armando Valladarès, prisonnier qui écrit (un poète), en tout cas ancien policier du régime de Batista, arrêté pour avoir transporté des explosifs pour préparer des attentats contre Cuba socialiste, et faux paralytique. 

Les mêmes pays qui se revendiquent de l'Etat de droit n'ont pas hésité à le bafouer ouvertement : la loi Helms-Burton a ouvert le bal des lois d'extraterritorialité, ignorant le principe fondamental de territorialité de la loi (à savoir que la loi américaine s'applique aux Etats-Unis et pas dans le monde entier). Elle vise ouvertement le changement de régime économique et social à Cuba, et prévoit même que ceux qui se disent victimes de l'Etat cubain fixent eux-mêmes le montant des remboursements auxquels ils estiment avoir droit : nul doute que les multinationales feront preuve, comme toujours, de pondération et de modération, pour ne pas porter atteinte au bien-être du peuple cubain en réclamant des dommages et intérêts trop élevés. 

Le Colonel Corvez a ensuite abordé le cas nord-coréen, qu'il a étudié à partir de sa formation de géopoliticien. Ayant rappelé le paroxysme des tensions autour de la péninsule coréenne tout au long de l'année 2017, il avait alors affirmé (notamment dans une tribune de septembre 2017 intitulée "Corée : ne pas confondre coercition et dissuasion) que le danger d'éclatement d'une troisième guerre mondiale devait être écarté. En effet, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a parfaitement assimilé le concept de dissuasion nucléaire, et c'est parce que la Corée du Nord dispose désormais d'une force de dissuasion que - à l'instar de la France du général de Gaulle - le risque de guerre nucléaire esr désormais écarté. A cet égard, Alain Corvez rappelle la réponse faite par de Gaulle à Alain Peyrefitte sur le risque que comportait l'arme nucléaire française selon le porte-parole du Gouvernement à cette époque : 

Alain Peyrefitte dans son œuvre magistrale «C’était de Gaulle» rapporte comment le Général lui explique après l’explosion de la première bombe atomique française, qui n’était encore qu’une bombe A, le principe de la dissuasion :

«J’allais lui demander: ça ne vous fait rien de penser que vous pourriez… (Tuer vingt millions d’hommes deux heures après le déclenchement d’une agression)

Il me répond tranquillement: Précisément, nous ne les tuerons pas, parce qu’on saura que nous pourrions le faire. Et, à cause de ça, personne n’osera plus nous attaquer. Il ne s’agit plus de faire la guerre, comme depuis que l’homme est homme, mais de la rendre impossible comme on n’avait jamais réussi à le faire. Nous allons devenir un des quatre pays invulnérables. Qui s’y frotterait s’y piquerait mortellement. La force de frappe n’est pas faite pour frapper mais pour ne pas être frappé».

L'arme nucléaire est une menace pour l'humanité dont il faut se débarrasser. Mais en attendant la réalisation de cette promesse de fin de l'arme nucléaire, celle-ci constitue aujourd'hui une arme de non-emploi (à l'exception évidemment des bombardements américains sur Hiroshima et Nagasaki), dont la détention garantit l'absence d'attaque - et donc la paix. 

Toujours selon le Colonel Corvez, le sommet de Singapour du 12 juin 2018 a été la conséquence de la prise de conscience, par le Président Donald Trump, que la guerre nucléaire étant impossible, seule restait l'issue de la négociation. Le sommet a eu lieu aux conditions fixées par les Nord-Coréens, qui ont obtenu que le texte adopté évoque la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne (ce qui remet en cause la présence éventuelle d'armes nucléaires américaines en Corée du Sud, voire le parapluie nucléaire militaire américain sur la Corée du Sud) et que n'y figure pas, à ce stade, la formule, contraignante, de "dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible", mais seulement celle de denucléarisation "complète" et - comme cela vient d'être souligné - de toute la péninsule coréenne, à égalité de devoirs pour chacune des parties signataires. Cependant, pour sa part, le président américain peut se prévaloir d'être le premier commandant en chef des Etats-Unis à avoir réussi une telle négociation avec la Corée du Nord, là où ses prédécesseurs ont échoué. 

Au regard du précédent iranien, Alain Corvez a cependant exprimé sa conviction que la RPD de Corée ne procédera pas à sa dénucléarisation tant que les troupes américaines demeureront en Corée du Sud. 

L'accord trouvé entre les présidents Donald Trump et Kim Jong-un a toutefois soulevé une levée de boucliers de tous ceux qui s'opposent au président américain. A cet égard, les processus de désinformation à l'oeuvre pour Cuba se retrouvent dans le cas nord-coréen, et notamment la diffusion massive de fausses informations : faux écrivains comme Bandi, dissidents mentant sur ce qu'ils ont vécu (comme Park Yeon-mi et Shin Dong-hyuk, qui a eu, quant à lui, le mérite de se mettre en retrait, mais dont les ouvrages n'ont, eux, pas disparu des rayonnages des bibliothèques et des librairies). Tous les médias occidentaux prêtent leurs micros à ces auteurs ou à leurs porte-voix, amplifiant l'écho de prospères entreprises de propagande, ces ouvrages constituant les best-sellers sur la Corée du Nord, grâce à des diffusions massives en librairie sans équivalent pour aucun autre livre sur le même thème : le conditionnement des opinions publiques est à ce prix. 

Pour lutter contre la "mal-information", qui relève du mauvais exercice de la profession de journaliste, Viktor Dedaj a développé une méthode identifiant les contradictions du discours (les "ruptures narratives"), qu'il présente dans le cadre d' "ateliers d'auto-défense intellectuelle". 

En conclusion, Viktor Dedaj a appelé à mettre en avant certaines vérités tues par les médias dominants. Ainsi, Cuba a développé le plus fortement au monde l'agriculture biologique ; 40 000 médecins cubains sont envoyés gratuitement à l'étranger, pour des salaires modestes car ils ont embrassé leur profession par vocation et non par appât du gain. A Cuba, le médecin de quartier est par ailleurs responsable pénalement de ses fautes éventuelles dans les soins qu'il apporte aux familles de son périmètre d'intervention. Pour sa part, la Corée du Nord a généralisé la santé et l'éducation gratuites, adopté en 1946 la loi la plus avancée d'Asie de l'Est sur l'égalité femmes-hommes et apporté un soutien constant aux luttes de libération nationale des peuples soumis aux jougs colonial puis néo-colonial.

Cuba et la Corée du Nord à l'épreuve de la guerre médiatique
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20 juin 2018 3 20 /06 /juin /2018 21:56

Alors que le président nord-coréen Kim Jong-un a achevé sa troisième visite en Chine en l'espace de trois mois, et que le président sud-coréen Moon Jae-in s'apprête à partir pour la Russie pour rencontrer le président Vladimir Poutine (et accessoirement assister au match de la coupe du monde du football entre la Corée du Sud et le Mexique), la recomposition diplomatique en cours s'accélère, après le sommet de Singapour entre les présidents Donald Trump et Kim Jong-un. Pour sa part, le président américain s'est concerté avec son allié sud-coréen pour ne pas mener en août prochain les manoeuvres militaires américano-sud-coréennes - conformément à l'engagement qu'il avait pris de cesser les "exercices de guerre" "provocateurs" vis-à-vis de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Analyse - avec en annexe un compte rendu de l'entretien donné par le président de l'AAFC à RT France le 19 juin 2018.

Kim Jong-un et Xi Jinping le 19 juin 2018

Kim Jong-un et Xi Jinping le 19 juin 2018

Le chemin sera long sur la voie de la normalisation des relations entre les Etats-Unis et la RPD de Corée, d'autant que la dénucléarisation de la péninsule coréenne devra avoir pour contrepartie des garanties de sécurité à l'égard de la Corée du Nord non seulement de la part des Etats-Unis, mais aussi dans un cadre collectif amené à impliquer la Chine et la Russie. Dans ce contexte, il est logique que Pékin et Moscou souhaitent être étroitement associés au processus de recomposition diplomatique en cours. Si le troisième sommet entre Xi Jinping et Kim Jong-un a porté sur la dénucléarisation de la Corée, les relations bilatérales et l'amélioration des échanges économiques (en mettant notamment l'accent sur le renforcement des liaisons de transport, la présence du Premier ministre Pak Pong-ju aux côtés du dirigeant nord-coréen étant symptomatique de la priorité donnée au développement économique), une nouvelle fois le dirigeant nord-coréen a très certainement informé son allié chinois (en vertu du traité d'alliance de 1961, toujours valide) des résultats de sa rencontre avec le Président Trump - le numéro un chinois avait déjà rappelé, lors de sa première rencontre de 2018 avec le Président du Parti du travail de Corée, qu'il entendait réaffirmer l'alliance stratégique Pékin-Pyongyang, ce qui implique des échanges d'informations en ce domaine.

La Russie, d'une certaine manière en concurrence avec la Chine pour être un partenaire sinon privilégié du moins majeur de Pyongyang,  alors qu'elle n'est plus le principal partenaire politique et économique de la RPD de Corée depuis la disparition de l'URSS, a une diplomatie plus audacieuse : elle mentionne plus directement que la Chine a la nécessité de lever les sanctions économiques qui frappent la RPDC sans attendre la fin du processus de dénucléarisation qui, selon les experts, prendra des années. C'est en ce sens qu'il faut interpréter la visite d'Etat, au cours des prochains jours, de Moon Jae-in en Russie : alors que le dialogue direct qui s'est établi entre Washington et Pyongyang, avec Pékin en juge de paix, pourrait tendre à marginaliser Moscou et Séoul sur les questions de sécurité, ces deux capitales réaffirment leurs convergences de vue en ce domaine, dessinant une possible convergence qui permettrait à la Corée du Sud de s'affranchir (un peu) de la tutelle militaire américaine sans nécessairement devoir se coordonner avec la Chine (d'autant que le contentieux bilatéral sur le déploiement de THAAD n'est pas entièrement soldé). La Russie n'est peut-être plus un acteur économique majeur en Asie du Nord-Est, mais elle reste un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et a une courte frontière commune avec la Corée du Nord : alors que la relance du contentieux commercial entre Pékin et Washington ne fait pas nécessairement de la Chine le meilleur arbitre d'un différend potentiel entre la Corée du Nord et les Etats-Unis sur le rythme, les modalités et le contreparties du processus de dénucléarisation, la Russie pourra utilement apporter ses bons offices. Dans l'immédiat, il s'agit pour elle de ne pas être marginalisée dans le processus multilatéral en cours - si elle a été partie aux pourparlers à six sur la dénucléarisation de la Corée, elle ne figurait pas (de même que le Japon) dans les pourparlers à quatre qui s'étaient mis en place lors de la première crise nucléaire, dans les années 1990.

Reste l'inconnue japonaise. Le très conservateur Premier ministre japonais Shinzo Abe a dû être réconforté que Donald Trump ne signe pas un accord global détaillé le 12 juin 2018 : Tokyo a le temps d'infléchir sa stratégie d'intransigeance à l'égard de Pyongyang, le temps de voir la rapidité - ou non - de la résolution des questions en suspens entre la RPD de Corée et les Etats-Unis d'Amérique. Dans tous les cas, fautes d'alliés de premier plan pour maintenir une pression maximale sur Pyongyang, le Japon doit déjà se préparer à une inflexion diplomatique, qui pourrait passer par une normalisation des relations diplomatiques, voire une visite de Shinzo Abe à Pyongyang - tout en continuant certainement à défendre des positions sceptiques tendant à parier sur l'échec des discussions américano - nord-coréennes.

Annexe : compte rendu de l'interview sur RT France le 19 juin 2018, au journal de 21h

Magali Forestier (MF), présentatrice du journal télévisé reçoit le président de l’AAFC, Benoit Quennedey (BQ).

-MF : Donald Trump suspend les prochains exercices de guerre, il respecte ses engagements, c’était une volonté de la Corée du nord qui les considérait comme une agression.

-BQ : Ces exercices de guerre sont les plus grandes manœuvres militaires en temps de paix, et elles n’ont cessé de gagner en ampleur depuis leur début dans les années 1970. C’est d’ailleurs Donald Trump lui-même qui utilise le terme "exercices de guerre" en remarquant qu’ils ont un caractère "provocateur". Ceux-ci s'inscrivent dans le cadre des dispositifs OPLAN qui ont pour but un changement de régime à Pyongyang. Cette suspension tant qu’il y a des négociations en cours et que la Corée du Nord arrête ses essais nucléaires et de tirs balistiques intercontinentaux revêt une importance considérable. En d"autres termes, on crée les conditions de la confiance pour engager le dialogue sur une bonne voie.

-MF : Aujourd’hui le leader nord-coréen est en Chine, quel est l’objet de cette visite ?

-BQ : C’est la troisième visite en trois mois. La Chine est le poumon économique de la Corée du Nord. Celle-ci est étranglée par des sanctions économiques. Donald Trump a dit que la levée des sanctions n’était pas à l’ordre du jour. Mais au-delà du vote par le Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a une certaine marge de manœuvre dans leur application. Le premier objectif des Nord-Coréens est d’obtenir un soutien chinois en cas d’échec des négociations avec les Américains et déjà de subir une application moins stricte des sanctions. Deuxième objectif important : la Chine et la Corée du Nord restent liées par une alliance militaire datant de 1961, aux termes de laquelle les deux parties doivent se consulter sur les questions d’intérêt mutuel. On peut donc penser que les Nord-Coréens ont rendu compte de la rencontre avec le président Donald Trump, ce qui répond aussi à la volonté des Chinois d’être pleinement partie prenante du jeu diplomatique qui se met en place.

-MF : Cette cessation des manœuvres militaires fait extrêmement peur au Japon qui a toujours compté sur son allié américain pour protéger cette région. Donald Trump prend des décisions sans même consulter ses alliés historiques...

-BQ : Lors de son annonce du 12 juin, ni le commandement américain, ni la Corée du Sud n’avaient manifestement été informés et ils ont réagi avec surprise. Le Japon est dans un situation de confrontation ancienne avec la Corée du Nord au point d’avoir participé aux récentes manœuvres militaires américano-Sud-Coréennes. Le Japon a poussé à la montée des tensions et est aujourd’hui dans une position jusqu'au-boutiste dans laquelle il s’est un peu marginalisé. Comme lors de l’établissement des relations entre les Etats-Unis et la Chine populaire en 1972 le Japon ne veut pas être marginalisé… On peut penser que le Japon vise un sommet avec la Corée du Nord. Dans le jeu diplomatique en cours c’est la dernière pièce du puzzle qui manque.

- MF : Donald Trump a tendance à annoncer les choses de façon rapide sans même consulter parfois ses conseillers à la défense. Il semble que certains membres du Pentagone aient été surpris.

BQ : Les membres du Pentagone sont extrêmement réticents vis-à-vis de la Corée du Nord qu’ils considèrent comme un pays retors et susceptible de ne pas tenir ses engagements, mais les Etats-Unis ont montré qu’ils ne tenaient pas non plus leurs engagements. On est dans un jeu de poker menteur. Il faut aussi voir que dans l’administration américaine il n’y pas un bloc homogène. Entre Mike Pompeo qui est devenu l’interlocuteur des Nord-Coréens et qui a rencontré plusieurs fois Kim Jong-un à Pyongyang, et John Bolton le faucon interventionniste qui justifie la guerre en Irak, hier, aujourd’hui et s'il le faut demain, les positions ne sont pas du tout les mêmes. Il est probable que, pour ne pas avoir de bâtons dans les roues, Donald Trump a choisi les interlocuteurs qu'il a mis dans la confidence.

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20 juin 2018 3 20 /06 /juin /2018 11:47

Le 9 juin 2018, à la veille du sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour le 12 juin dernier, Benoît Quennedey, président de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC), a été invité par l'association Rennes-Chine à s'exprimer sur les relations sino-coréennes, ainsi que sur l'actualité du processus de paix. Cette conférence-débat a été organisée avec le soutien du comité Bretagne de l'AAFC - et notamment d'Yves et Thérèse Broustail à la fois membres de Rennes-Chine et responsables de l'AAFC-Bretagne, avec Djimadoum Ley-Ngardigal, président du comité régional Bretagne de l'AAFC. L’association Rennes Chine est la continuatrice locale de l’Association des Amitiés Franco-Chinoises créée en 1952 et dissoute en 1989. A ce titre elle est membre de la Fédération des Associations Franco-chinoises. Tout en remerciant l'association Rennes-Chine pour cette initiative, et plus particulièrement sa présidente Marie-Madeleine Flambard, nous reproduisons ci-après le compte rendu de cette manifestation publiée par Rennes-Chine.

Débat à Rennes sur les relations sino-coréennes

Préalablement à la conférence, l'association Rennes-Chine avait publié un flyer que nous reproduisons ci-après.

La Chine,la Corée et la paix

L’Association Rennes-Chine vous propose une rencontre avec Benoît Quennedey  le samedi 9 juin à 15 h, consacrée aux relations anciennes et actuelles entre la Chine et la Corée axée sur la recherche d’une paix durable dans la péninsule coréenne. Que savons-nous de la Corée ? La Corée a été annexée par le Japon en 1910. Au lendemain de la capitulation du Japon le 15 août 1945, la Corée, après trente-cinq années d’occupation japonaise, a été divisée de part et d’autre du 38e  parallèle, ligne  de démarcation des zones d’occupation américaine et soviétique.

 La mise en place par les Etats-Unis dès 1947 d’un gouvernement séparé au sud (création en mai 1948 de la République de Corée au sud), puis de la République populaire démocratique de Corée au nord en septembre 1948, a entériné la division de la nation coréenne. Cette partition arbitraire a engendré la guerre de Corée de 1950 à 1953, qui a causé près de trois millions de morts. La Chine a participé aux côtés du peuple coréen à la lutte contre les troupes américaines (le fils aîné du président Mao Zedong,  Mao Anying est mort sous les bombardements américains en 1950). La République Populaire de Chine fut signataire, ainsi que la Corée du Nord et les Etats-Unis, de l’accord d’armistice de Panmunjom en 1953.

Depuis plus d’un demi-siècle, aucun traité de paix n’a été conclu après l’armistice. Près de 30 000 soldats américains stationnent toujours au sud. Malgré la séparation de millions de familles, les Coréens, du Nord, du Sud et de la diaspora, constituent un seul peuple, partageant une même langue et une histoire commune de plus de 5 000 ans. Aujourd’hui après de multiples épisodes de confrontation et d’épreuves un processus de paix est engagé qui inclut toutes les parties. Le 12 juin, les présidents Kim Jong-un et Donald Trump se sont donnés rendez-vous  à Singapour.

Benoît Quennedey  président de L’Association d’amitié franco-coréenne, ancien élève de l’ENA, a visité à de nombreuses reprises la Corée du Nord, la Corée du Sud et la préfecture autonome coréenne de Yanbian dans la province chinoise de Jilin. Invité régulièrement dans les médias comme expert sur la Corée, il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « La Corée du Nord cette inconnue » aux éditions Delga.

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Le lac de cratère à la frontière de la Chine et de la Corée, au sommet du Mont Paektu en coréen ou Chang Bai Shan en chinois. L’une des premières phrases du président sud-coréen,  Moon Jae-in à son homologue nord-coréen lors du sommet du 27 avril 2018 a été de dire combien il voulait aller au mont Paektu et Kim Jong-un l’a invité à y venir : c’est la montagne sacrée de tous les Coréens.

Le lac de cratère à la frontière de la Chine et de la Corée, au sommet du Mont Paektu en coréen ou Chang Bai Shan en chinois. L’une des premières phrases du président sud-coréen, Moon Jae-in à son homologue nord-coréen lors du sommet du 27 avril 2018 a été de dire combien il voulait aller au mont Paektu et Kim Jong-un l’a invité à y venir : c’est la montagne sacrée de tous les Coréens.

Compte-rendu de la conférence

Malgré les mauvaises conditions météo annoncées (alerte orange aux orages et inondations) plus de 40 personnes ont participé aux deux heures et demie d’exposé et de débat.

Tout d’abord pendant une heure très dense, le conférencier a balayé plusieurs millénaires d’histoire commune mais aussi singulière des peuples et états chinois et coréen(s). Il serait trop long de vouloir reprendre tout ce qui a été dit sur les aspects culturels, linguistiques etc. depuis la haute antiquité mais l’assistance était très attentive. Une histoire partagée fondée sur des bonnes relations de voisinage géographique mais aussi sur des relations inter-étatiques d’intérêts. Aujourd’hui la Corée du Sud est dans une alliance avec les Etats-Unis mais a des relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine depuis 1992, qui est devenue par ailleurs son premier partenaire dans les échanges économiques. La Corée du Nord est formellement toujours liée avec la Chine par le Traité d’Amitié, de Coopération et d’Assistance Mutuelle signé le 11 juillet 1961 à Beijing par Zhou Enlai et Kim Il-sung.

L’accent a été mis sur les tensions entre la Chine et la Corée du Sud suite à l’accord de cette dernière pour l’installation sur son sol du système américain de protection anti-missiles THAAD dont, aux yeux des Chinois, le prétexte nord-coréen cache la réalité de menaces contre la défense nationale Chinoise.

Les deux rencontres récentes entre les leaders chinois et nord-coréen montrent l’importance réciproque accordée par ces deux pays au processus en cours. La question de la levée des sanctions a probablement été abordée. La Chine n’est pas marginalisée ; elle sera forcément partie prenante dans la résolution du dernier conflit issu de la guerre froide et elle y a de plus un intérêt pour développer économiquement sa région Nord-Est. L’engagement de Kim Jong-un correspond entièrement aux aspirations chinoises de baisse des tensions, de stabilité et de prospérité économique.

Débat à Rennes sur les relations sino-coréennes

Place aux questions.

Ensuite 90 minutes de questions/réponses dans une ambiance calme et presque studieuse :

Avec un leader nord-coréen presque divinisé dans son pays comment envisager l’évolution des relations Nord-Sud ?

Benoît Quennedey rappelle l’origine de cette relation aux dirigeants, et fait aussi remarquer qu’il n’y a pas de badge à l’effigie de Kim Jong-un ni de portraits omniprésents de sa personne. Balayage des différents types d’unification avec l’Allemagne, le Yémen, Chine/Hong Kong et Macao et les visions des deux Corées dont celle du Sud qui s’inspire de l’Union européenne.

Comment les Nord-Coréens ont-ils obtenu l’arme nucléaire ?

Ils ont probablement bénéficié d’aide de certains experts pakistanais et peut-être avec l’effondrement de l’URSS de certains ex-soviétiques mais ils ont de très bons chercheurs et leur niveau en mathématiques et physique est avéré.

Quel est le poids du complexe militaro-industriel nord-coréen ?

« J’ai écrit un livre sur l’économie de ce pays mais je ne peux pas vous donner une réponse précise ». En effet le poids de l’armée est important mais celle-ci fait beaucoup de choses dans le domaine économique. On peut estimer ce poids entre un quart et un tiers du PIB.

Comment les Nord-Coréens voient-ils l’évolution des choses ?

Le Sud a souvent été perçu comme un lieu de corruption et de dépendance par rapport aux Etats-Unis mais cette perception évolue.

Quel est le taux de croissance, quelle est la place des jeunes et des femmes ?

Depuis pas mal d’années, le Nord ne publie plus de statistiques économiques, le Sud le fait mais elles sont souvent biaisées politiquement. « Selon les données du Sud, il y aurait eu de 1999 à nos jours de 1 à 2% de croissance par an mais je pense que c’est plutôt de 3 à 5 % »..  La place des femmes a grandi dans le domaine économique et en particulier avec la nécessité à la fin des années 1990, face aux grandes difficultés, de survivre sans compter sur l’Etat. Le nombre de divorces a augmenté. Au Nord, la pratique de l’IVG est plus libérale qu’au Sud.

Pouvez-vous comparer les systèmes éducatifs du Nord et du Sud ?

Les étudiants du Nord sont salariés par l’Etat. Au Sud les universités sont dirigées par les grands consortiums comme Samsung. A noter que durant le régime de dictature militaire au Sud les universités étaient des foyers de résistance étudiante.

Ensuite les questions se sont tournées nettement vers l’actualité symbolisée par l’approche du sommet historique de Singapour, les intérêts du Nord, des Etats-Unis, de la Chine, du Japon, leurs approches réciproques.

Le conférencier, après avoir détaillé les options possibles, a conclu en donnant sa vision personnelle.

Pour le Nord, le développement économique est une priorité. Si les sanctions peuvent être levées et des garanties de sécurité obtenues, ce sera une bonne affaire et cela vaut la peine d’essayer. Probablement que la rencontre du 12 juin débouchera sur l’établissement d’un cadre général pour l’ouverture de longues négociations impliquant des contreparties réciproques à chaque étape de compromis et le renforcement de la paix.

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