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26 décembre 2008 5 26 /12 /décembre /2008 11:36

Opérationnelle depuis 2004, la zone industrielle de Kaesong, en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) est un des symboles du rapprochement intercoréen. Mais son extension se heurte à l’opposition des Etats-Unis qui, à plusieurs reprises, ont voulu en freiner le développement, posant ainsi la question des intentions réelles de l’administration Bush au-delà de ses discours en faveur du dialogue intercoréen et des réformes économiques en RPDC.

 

Comme la délégation de l’AAFC avait pu le constater lors de sa visite sur place en septembre 2008 , le développement de la zone industrielle de Kaesong constitue l’un des principaux résultats de la coopération intercoréenne. Sa création figurait dans la déclaration conjointe Nord-Sud du 15 juin 2000.

 

Usine de confection ShinWon, zone industrielle de Kaesong, 12 septembre 2008 (photo : AAFC)

 

Dans l’ancienne capitale du royaume de Koryo (918-1392), située au nord de la zone démilitarisée, des entreprises sud-coréennes emploient déjà plus de 30.000 travailleurs nord-coréens. A terme, il est envisagé que 700.000 Nord-Coréens et 100.000 Sud-Coréens travaillent ensemble dans les 1.000 entreprises que comptera alors la zone économique spéciale (ZES) de Kaesong.

 

Le gouvernement américain de George W. Bush, qui avait officiellement salué la déclaration du 15 juin 2000 et encouragé la RPDC à s’engager sur la voie des réformes économiques, aurait dû logiquement favoriser le développement de la ZES de Kaesong. De fait, alors même qu’il s’agit d’un projet intercoréen dont le développement devrait relever des seules décisions des Coréens eux-mêmes, la politique de Washington n’a pas été favorable à l’essor de la ZES de Kaesong.

 

Tout d’abord, le rétablissement des liaisons terrestres et ferroviaires entre le Sud et le Nord de la Corée nécessitait un déminage partiel de la zone démilitarisée. Une intervention personnelle de l’ancien président sud-coréen Kim Dae-jung auprès du président George W. Bush a été nécessaire pour que ce dernier consente, le 12 septembre 2004, que soient engagés ces travaux de déminage.

 

Washington a ensuite manifesté son opposition de fait au développement de la ZES de Kaesong, en refusant que parmi les produits fabriqués dans cette ville figurent des produits jugés sensibles, soumis à un embargo vers la RPDC. En outre, les produits manufacturés fabriqués à Kaesong ont été exclus du champ de l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Le principe même des communications téléphoniques a fait l’objet d’une intervention du Département du commerce américain, lequel n’a autorisé que le 16 novembre 2005 la compagnie sud-coréenne KoreanTelecom Corporation (KT Corp.) à établir une liaison téléphonique entre Kaesong et Séoul, depuis la fin de l’année 2005.

 

L’argument des droits de l’homme a également été utilisé par l’administration américaine : au premier trimestre 2006, Jay Lefkowitz, un néoconservateur qui avait été désigné par George W. Bush comme le représentant officiel de Washington pour les droits de l’homme en Corée du Nord, a vivement critiqué les conditions de travail des ouvriers nord-coréens à Kaesong. L’action de Jay Lefkowitz s’inscrit ouvertement dans une perspective de changement de régime en RPDC : comme pour Cuba, le Congrès américain finance, à hauteur de 24 millions d’euros, des organisations prétendument « non » gouvernementales, des conférences internationales et des émissions de propagande radiophonique anti-Pyongyang.


Résumant la position de son gouvernement, dans une conférence publique tenue le 25 octobre 2004, Christopher Hill, alors ambassadeur américain à Séoul, avait défendu l’idée que la zone industrielle de Kaesong ne modifierait pas radicalement l’économie nord-coréenne. Prenant acte des positions constantes de Washington pour décourager le développement de la ZES de Kaesong, en septembre 2005, le président sud-coréen Roh Moo-hyun avait dénoncé, à la tribune des Nations-Unies, les « tendances impérialistes » de son allié américain. 

 

Comment en effet comprendre la contradiction, soulevée par John Feffer dans un article de « Yaleglobal » du 8 juin 2006 intitulé « Time to lift North Korea’s Quarantine : financial sanctions only exacerbate the nation’s behaviour », entre la position de principe des Etats-Unis en faveur de l’économie de marché, et leurs entraves au développement d’un système économique mixte à Kaesong ?

 

On pourrait considérer que l’idée même d’une économie mixte n’est pas acceptable aux partisans d’une économie de marché… ou plutôt souligner, à l’instar de John Feffer, que les Etats-Unis ont une position constante tendant à affaiblir l’économie nord-coréenne, en maintenant le plus vieil embargo au monde, ainsi que les restrictions aux échanges commerciaux et financiers à destination et en provenance de la RPDC.

 

L’AAFC observe que, pas plus que les droits de l’homme, l’économie de marché n’a constitué un principe fondateur de la diplomatie américaine. En fonction de ses intérêts, Washington n’a pas hésité à coopérer avec des Etats ayant un système économique et politique différent du sien, ni à violer ouvertement les droits de l’homme, hier en enfermant dans des camps d’internement ses citoyens d’origine japonaise après la capitulation de l’empire nippon en 1945, aujourd’hui en recourant à la torture sur la base de Guantanamo.

 

En décourageant la coopération économique intercoréenne, les Etats-Unis retardent une réunification de la Corée qui pourrait s’affirmer comme une nouvelle puissance mondiale, et poserait également la question du maintien des troupes américaines en Corée. Enfin, la critique et l’affaiblissement systématiques de la RPDC, quelles que soient les voies contradictoires qu’elle puisse emprunter, répondent aux aspirations anticommunistes de larges franges de l’électorat républicain. (Source : Claude Helper, Corée : réunification. Mission impossible ?, L’Harmattan, 2008).

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